Une rencontre

Laisser la collection à la libre interprétation du lieu, sans intervention, sans cadrage, sans règles, c’est accepter l’inattendu, la surprise ou l’incompréhension et une certaine recomposition des liens qui unissent les objets entre eux.

L'entrée en matière

Un renard en zinc menaçant, une tête de chèvre en bois, un petit paquet bleu, une poignée de main chaleureuse, un vase et un pistolet moulé dans un gabarit provenant d’une usine de métallurgie, le regard de Violaine Laveaux a été perçant parmi les trois milles objets exposés dans l’immensité des galeries du Musée des arts et métiers traditionnels. Installé sur la commune de Salles-la-Source depuis 1978, le Musée se déploie dans les quatre niveaux d’une ancienne filature de drap et de laine  de pays construite dans les années 1830 et ayant servi jusqu’aux lendemains de la seconde guerre mondiale, en 1959. Oeuvre de l’architecte départemental Etienne Boissonnade avec maçonnerie en pierres de tuf calcaire, colonnes de pierre et de bois, on remarque surtout la charpente en carène de vaisseau, à la Philibert Delorme, qui interpelle avec sa forme de coque de bateau renversée. Le voyage muséographique nous plonge au cœur des machines d’autrefois telles que forges, martinets, roues de moulins et pressoirs, d’une filature du XIXème siècle et des métiers liés à l’artisanat du bois, du métal et du cuir en passant par le travail de la terre et de l’élevage. L’intervention plastique de l’artiste a quelque peu bousculé ces voisinages et cette lecture patrimoniale du musée confortablement installés depuis plusieurs décennies.

Laisser la collection à la libre interprétation du lieu, sans intervention, sans cadrage, sans règles, c’est accepter l’inattendu, la surprise ou l’incompréhension et une certaine recomposition des liens qui unissent les objets entre eux. Ces derniers ne parlent pas tout seul et gardent précieusement leurs souvenirs de fabrication, d’usage, de commémoration, d’histoires humaines dont ils ont été les témoins. Ainsi, on comprend mieux toute la nécessité de préserver leur intégrité matérielle pour se laisser le temps de faire surgir cette matière qui deviendra discours patrimonial, discours pédagogique, discours artistique.

L’épi de faîtage représentant un renard n’était pas seul sur le toit de la maison dont il provient : un poisson et un coq l’accompagnaient. Violaine Laveaux lui a choisi deux lapins surgissant d’une baignoire ! Qui a eu le plus d’imagination ? L’artisan ou l’artiste ? Violaine Laveaux a également été interpellée par le planétarium qui est installé à côté du musée. Travaillant depuis longtemps sur « les figures du ciel », elle a choisi cette fois-ci de se consacrer à la grande ourse, constellation que l’on désigne en Chine par la cuillère ; un ustensile dont regorge le musée. L’artiste tisse ainsi les liaisons indispensables entre les pièces d’une collection et fabrique une constellation propre au Musée. Qui pensait qu’il n’y avait pas de lien entre la projection numérique de la grande ourse et les cuillères d’étain du premier étage ?

Instrument de la sauvegarde et de la préservation du patrimoine, le musée d’aujourd’hui est aussi un lieu où les interactions entre le patrimoine et la culture peuvent s’exprimer. Il est résolument tourné vers le public et les publics et participe à renforcer le développement de la culture et de la création contemporaine sur un territoire et à son accès. Surtout, à travers un nouveau regard sur les collections patrimoniales.

Mais comme toute création, il faut savoir s’en détacher, lui rendre son autonomie. Un musée, loin de n’être seulement qu’un temple de la vérité historique, n’est-il pas aussi et surtout le lieu où l’on peut faire une parenthèse et, entouré des charges historiques, sensitives et esthétiques qui émanent des objets, prendre le temps de s’interroger ? Se questionner sur le monde qui nous entoure, n’est-il pas le propre d’un musée de société qu’est le Musée des arts et métiers de Salles-la-Source ?

Celui-ci a permis la rencontre entre une collection d’objets issus essentiellement de la société traditionnelle aveyronnais des XIXème et XXème siècle et une sensibilité artistique. Au public désormais de créer ses propres constellations entre ses connaissances, ses sensations et ses souvenirs.

Aline Pelletier

Conservateur des Musées départementaux

Les sandales de Cendrillon

                 Tout au long de ma résidence, j’ai parcouru le musée. Passant d’un monde à l’autre, du «Monde rythmé» au «Monde animal»,  j’ai remonté le cours du temps et de l’histoire du lieu, affiné les échanges entre un collectionneur et un conservateur. Au son de la cascade,  j’ai déroulé le fil de mon intervention, laissant errer mon regard parmi ces 3000 objets, à l’affût d’une rencontre, d’une trouvaille.
C’est une cuillère en bois qui a été l’élément catalyseur.
Elle m’a remis en mémoire un passage de « L’amour fou » d’ André Breton dans lequel il relate l’événement suivant : il fait à Giacometti la demande suivante : lui modeler la pantoufle perdue par Cendrillon ; la demande reste sans suite et crée un manque. Quelque temps plus tard, il découvre au Marché aux puces une cuillère de bois de facture paysanne dont l’extrémité inférieure du manche avait la forme d’un petit soulier. « De profil, à une certaine hauteur, le petit soulier de bois issu de son manche prenait figure de talon et le tout présentait la silhouette d’une pantoufle à la pointe relevée comme celle des danseuses. Cendrillon revenait bien du bal ».
La trouvaille répond au désir enfoui.

Je modèlerai plusieurs sandales-cuillères, d’argile et d’encre, et sculpterai des pièces, miroir des collections du musée, comme autant d’ objets perdus / retrouvés des contes...

Violaine Laveaux 2012.
 

 

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